Cinq ans déjà. L’Edition du soir, née au sein de la rédaction d‘Ouest-France, offre un deuxième rendez-vous, à 18h, dans la journée. Un complément du journal et un lieu d’innovation. Edouard Reis Carona, rédacteur en chef délégué, chargé de l’innovation dans les contenus numériques, répond à nos questions.
Racontez-nous l’histoire de L’Edition du soir
– En 2012, le directoire d’Ouest-France crée une direction numérique avec la mission de construire une offre digitale solide. A l’époque, seule existait la version PDF du journal du matin et les audiences du site internet n’étaient pas au niveau de la diffusion du print. Rapidement il est apparu nécessaire de créer un second rendez-vous d’actualité à heure fixe, en début de soirée. L’objectif était de couvrir 24h d’information sur le numérique: le matin avec la liseuse du print, en journée avec le site en continu et le soir avec une édition complémentaire.
A l’époque, le marché de la tablette s’annonçait prometteur. Il l’a été moins que prévu. Ce qui nous a obligés à créer une version smartphone (là où se trouve l’usage) et une version web, notamment pour nos abonnés pas forcément équipés. Il a fallu aussi proposer le contenu le plus complémentaire possible des autres offres. Les lecteurs ne voulaient pas d’un second journal Ouest-France dans la même journée. Ils aspiraient à d’autres sujets, d’autres angles. Aujourd’hui l’Edition du soir propose des sujets originaux, un pas de côté, en mêlant actus sérieuses, insolites, positives, originales et des jeux. Dont certains autour de l’info.
Quelles leçons vous en tirez ?
– Aujourd’hui, la moyenne de lecteurs par soir est d’environ 140 000. Avec des pics à 2 millions de lecteurs par mois. L’Edition du soir nous a aussi permis de sécuriser nos abonnements numériques. Quand il n’y avait que le journal du matin, les abonnés avaient tendance à arrêter au bout de quelques mois. L’Edition du soir a permis de les retenir. Ses sujets sont les plus lus par nos abonnés numériques, devant ceux du journal du matin.
Nous avons cherché à être à l’écoute des lecteurs, grâce notamment aux statistiques en temps réel. Beaucoup nous écrivent et une vraie interaction s’est installée. Cette édition numérique nous a aussi aidés à décloisonner la rédaction. Avant, il n’y avait que des journalistes dans la newsroom. Désormais, les journalistes travaillent avec des développeurs informatiques, des community managers, des motion designers, des monteurs vidéo ou des web analystes. La technologie a cette vertu d’obliger l’ouverture.
Globalement, avec bientôt 90 millions de visites et de plus en plus de contenus, le site ouest-France.fr est devenu un énorme carrefour d’audience. Cette plateforme avait besoin d’un moteur de recherche puissant pour une circulation aisée. Ouest-France a publié plus de 2 800 000 articles sur son site internet ouest-France.fr depuis l’an 2000. Chaque jour, les journalistes mettent plus d’un millier d’articles en ligne. Pour permettre aux internautes de suivre l’actualité, ou bien de retrouver facilement un article déjà paru, nous avons décidé d’offrir à nos internautes le système de recherche le plus agréable possible. Pour cela, une nouvelle page a vu le jour sur le site : www.ouest-france.fr/recherche.
Ouest-France.fr est devenu un véritable écosystème central au sein du groupe Sipa-Ouest-France. C’est un axe fort de nos objectifs à dix ans. Beaucoup de nos nouveaux abonnés, même au journal papier, passent par le site internet. Il nous faut donc énormément d’audience pour arriver à fidéliser de nouveaux lecteurs. Nos ambitions sont fortes. Nous voudrions, dans un premier temps atteindre les 100 millions de visites par mois. Mais ce ne sera qu’une étape. Si la diffusion du journal papier est plutôt stable, les courbes des abonnements numériques sont croissantes. A terme, il nous faudra autant d’abonnés numériques que d’abonnés au journal papier.
Que devient le journalisme dans cette nouvelle organisation?
– Déjà, il faut casser un mythe qui n’a rien d’une réalité: le web n’est pas l’ennemi de la qualité. Bien au contraire. Seul un haut niveau de contenus permet l’engagement et la fidélisation. Le numérique, c’est uniquement une autre manière de distribuer l’information, de toucher de nouveaux publics, notamment plus jeunes. Ouest-France n’a jamais touché autant de lecteurs qu’aujourd’hui. Chaque mois, ce sont environ 16 millions de lecteurs qui lisent au moins un contenu produit par Ouest-France. C’est énorme. La difficulté, comme pour tous les journaux, c’est de monétiser cette audience dans un univers où la gratuité est devenue la règle. Nous sommes convaincus qu’il y aura toujours des gens pour acheter de l’information de qualité, rigoureuse, inventive, proche des gens. Cela oblige les journalistes à être au plus près de leur mission: analyser, expliquer, mettre en perspective, sortir de l’info, faire de l’enquête, du reportage… Pour se démarquer du lot d’informations pas toujours vérifiées qui inondent la toile. Il y a toujours de la place pour le bon journalisme. Le numérique, au lieu d’être craint, doit être vécu comme une chance pour notre profession.
Recueilli par Paul Goupil