Ils ont été parmi les animateurs du festival de BD « Quai des Bulles », qui s’est déroulé il y a une quinzaine de jours à Saint-Malo. L’équipe de La revue dessinée, ce magazine trimestriel, numérique et papier, de reportages et documents en bande dessinée, a réussi le pari lancé en 2012. Au 13ème numéro, David Servenay, 45 ans, conseiller éditorial, nous confie: « Notre intuition est validée. »
La revue dessinée, c’est une idée d’auteurs de BD?
– Oui. Franck Bourgeron, rédacteur en chef, Sylvain Ricard et Kris (qui travaille à Brest) en sont. Je les ai rejoints comme journaliste-enquêteur, ancien de RFI, Rue 89 puis le site OWNI. Deux constats nous ont guidés. Depuis la disparition de A suivre, plusieurs auteurs, tenants de « la BD du réel », d’auteurs de documents, étaient à la recherche d’un espace éditorial. D’autre part, la BD est un monde précarisé: la surproduction a entraîné une baisse des à valoir proposés. Notre revue constitue un 2e guichet pour les auteurs. Elle accompagne une génération qui a porté l’idée que le dessinateur pouvait aller enquêter dans le monde réel (Etienne Davodeau, Emmanuel Lepage) et des plus jeunes comme Adam.
Qui décide des sujets ?
– Franck, Sylvain et moi. On reçoit une centaine de propositions par mois, on sélectionne, on discute des angles avec les auteurs – souvent des journalistes – et on cherche un dessinateur, pour associer rigueur journalistique et art de la narration. Parfois la proposition vient d’un non-journaliste qui veut raconter son histoire. Deux exemples: un pasteur défroqué, un psychiatre des urgences. S’il y a désaccord entre nous, Franck décide.
Aujourd’hui, êtes-vous satisfaits?
– Oui, la revue correspond à nos attentes. Le pari d’un journalisme indépendant qui utilise les possibilités du graphisme, avec des sujets qui ne sont pas tous issus du bout du monde, est gagné. Nous avons trouvé notre public avec près de 20.000 ventes par numéro. La revue est légèrement bénéficiaire, tout en payant correctement ses auteurs (150 euros la planche) et ses collaborateurs (une dizaine, si l’on inclut TOPO, notre 2e revue destinée aux moins de 20 ans).
Nos auteurs ont du temps et des moyens. qui permettent d’ offrir des formats longs et travaillés, dans un univers de fast news, où l’information devient une eau tiède qui coule en permanence.
Nous sommes particulièrement fiers d’un sujet récompensé en 2015 par un jury où était représentée la Banque de France. Catherine Le Gall (Brest) et Benjamin Adam (Nantes) ont vu leur travail sur les emprunts toxiques retenu comme « meilleur article économique ». Tout était sourcé, rigoureux.
Un journalisme de qualité associé à une manière moderne de faire de la BD.
Recueilli par Paul Goupil