La crise sanitaire et la guerre en Ukraine change le monde agricole
Trois questions à… Nathalie Tiers, journaliste agricole
– Comment devient-on journaliste agricole ?
Il y a deux profils de journalistes agricoles. Ceux exerçant pour la presse généraliste sont plutôt issus des écoles de journalisme et se sont spécialisés sur ce sujet. Ceux exerçant pour la presse agricole spécialisée ont plutôt une formation agricole. Ils ont suivi une spécialisation en journalisme, ou alors apprennent sur le tas. La presse agricole spécialisée est peu connue du grand public. Elle possède un grand nombre de titres dont certains très pointus consacrés exclusivement à une production : le lait, le porc, etc. Pour ma part, mes parents étaient agriculteurs et j’ai suivi une formation d’ingénieur en agriculture. J’ai été salariée pendant 17 ans dans un groupe de presse agricole spécialisée. Depuis six ans, je suis à mon compte. Je travaille en majorité pour des titres spécialisés mais aussi pour Ouest-France.
– On a beaucoup parlé des pressions exercées sur les journalistes qui travaillent sur ce secteur. Comment peut-on les gérer ?
Il y a bien entendu des intérêts économiques et des lobbies en agriculture comme ailleurs. Le secteur agricole a des choses à se reprocher sur une intensification parfois trop poussée dont les effets sont néfastes pour l’environnement, la santé. Il est nécessaire que ces problèmes soient mis en lumière au regard des connaissances aujourd’hui disponibles, et les journalistes qui s’y consacrent par une investigation longue sont opiniâtres et courageux. Toutefois, je regrette que les sujets agricoles soient trop souvent traités « à charge », et ne mettent pas assez en valeur les progrès énormes qui sont faits. Changer les pratiques agricoles est long et difficile. Ces pratiques sont liées aussi aux choix de consommation de notre société. C’est une responsabilité collective : il faut faire la transition agroécologique avec les agriculteurs et pas contre eux.
– L’actualité a mis en exergue l’importance du secteur, ces crises vont-elles changer le regard sur l’agriculture et les professionnels qui y sont engagés ?
La crise sanitaire et la guerre en Ukraine permettent de mesurer combien l’agriculture est indispensable pour assurer un besoin vital, manger, et combien les équilibres sont fragiles. L’autonomie agricole d’un pays garantit son autonomie alimentaire. C’est une donnée stratégique qui justifie d’ailleurs le soutien financier du secteur. La disponibilité des denrées alimentaires est déjà une difficulté chronique dans plusieurs zones du monde. La demande va encore augmenter avec la croissance démographique. Tandis que le dérèglement climatique génère un risque accru sur les volumes de production. De plus, le rôle de l’agriculture dépasse celui de l’alimentation : elle permet aussi de produire de l’énergie renouvelable, des matériaux, de stocker du carbone. La société a déjà commencé à se réapproprier le sujet agricole, et je pense que cela va s’accentuer dans les années à venir.
Propos recueillis par Clotilde Chéron
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