« L’Himalaya breton » : le road-trip de Nicolas Legendre

Nicolas Legendre, journaliste et auteur de livres, nous avait emballés l’an dernier avec Les routes de la vodka. Un carnet de voyage aussi inspiré qu’alcoolisé, de Géorgie en Sibérie, où la route de la soie devenait la route de la soif. Mais l’écrivain peut-il être prophète en son pays breton ? L’exploration du Mené, du Mont Dol ou de l’Arrée allait-elle nous restituer autant de sensations fortes, autant de rencontres à forte résonance humaine ?

La réponse est devenue oui à un moment précis du livre : lorsque Nicolas « voguait vers le massif de Paimpont, l’épicentre du pays Pourpre ». Ecoutez-le parler du schiste qui « colore les sentiers, enlumine la lande, est améthyste ou prune, parfois lilas ou violet d’évêque, selon la saison ou le temps ». Cette terre n’a pas été magnifiée par les peintres ou les poètes, à l’exception de la forêt de Paimpont, « véritable aimant ». D’ailleurs, les landes de Lanvaux ou du Méné n’ont plus de landes que le nom, reculant devant les boisements et les grandes parcelles agricoles. Nicolas s’en désole, bien sûr, lui qui parle si bien des « lichens aux reflets mordorés et des mousses agrippées à la roche ». Il n’oublie pas qu’ ici, « les paysans ont longtemps vivoté avec quelques bêtes et de médiocres parcelles ». Certains d’entre eux devinrent des « pillotous, marchands itinérants, marginaux cabossés. » Aujourd’hui, le Centre-Bretagne dépend d’une agro-industrie, où « les bâtiments d’élevage sont les nouvelles cathédrales ».

En reporter confirmé, dont la narration est finement illustrée par les aquarelles délicates de Joëlle Bocel, Nicolas campe des personnages qui donnent leur éclat aux derniers chapitres. Hélène, figure des Monts d’Arrée, qui collectionne témoignages, contes et légendes « avant que tout soit perdu. » Et Serge , le druide ami du grand poète Paol Keineg , qui fait écouter au journaliste une gwerz du fond des âges, Eliz Iza, popularisée par les soeurs Goadec, reprise par Marthe Vassallo à la voix prenante. A cet instant, le reporter est touché au plus profond. Nous aussi à la lecture.

Editions du Coin de la rue, collection « Les explorations bretonnes ». 17€

Paul Goupil