Pôle emploi explique la réforme de l’assurance chômage
Compte-rendu d’un déjeuner pigistes au Club de la Presse de Bretagne, en partenariat avec Profession : Pigiste, le 3 mars 2020. Relu et validé par Pôle emploi.
Intervenant : Bertrand Bonny, expert applicatif et réglementaire de Pôle emploi Bretagne. Il fait partie de ceux qui maîtrisent la réglementation et la manière de l’appliquer. En cas de difficultés, il conseille les agences Pôle emploi.
La réforme du chômage : 1e volet appliqué au 1e novembre 2019. 2e volet devrait entrer en vigueur le 1e septembre 2020*.
Avant | Après |
---|---|
Pour ouvrir des droits : Justifier de 88 jours travaillés** sur une période de 28 mois (ce qui peut représenter 4 mois de travail en jours calendaires) | Pour ouvrir des droits : Justifier de 130 jours travaillés** sur une période de 24 mois. (ce qui peut représenter 6 mois de travail en jours calendaires) |
Pour recharger ses droits : Justifier de 22 jours travaillés** sur une période de 28 à 36 mois. (ce qui peut représenter 1 mois de travail en jours calendaires) | Pour recharger ses droits : Justifier de 130 jours travaillés** sur une période de 24 mois. (condition identique à celle pour ouvrir des droits) |
*à raison de 5 jours par semaine.
Exemple : une semaine civile (du lundi au dimanche) compte pour 5 jours de travail.
Comment justifier de jours travaillés alors qu’à la pige le temps de travail n’existe pas ?
C’est la durée de la collaboration qui est prise en compte.
Cas n°1 : je termine une collaboration avec le journal Truc. Une collaboration entamée en janvier 2015 et terminée en janvier 2018.
Précision Pôle emploi : L’employeur ne délivre une attestation que si le contrat est rompu soit par une démission du salarié (CDI), ou une fin de contrat de travail (CDD – vacation), ou un licenciement (CDI).
Ce n’est pas le salarié qui demande une attestation, parce qu’on se dit qu’on ne fera plus de piges avec le journal Truc et qu’on veut recharger ses droits.
Mode de calcul de Pôle emploi : la période janvier 2015- janvier 2018, j’ai fait 5 piges, sur 5 mois différents non consécutifs, pour un montant total de 1 500 euros brut.
Pôle emploi va dès lors considérer que j’ai travaillé 3 ans pour 1 500 euros. Le cumul de mon indemnité se base là-dessus. Ça fait un salaire moyen faible.
Préconisation Profession : Pigiste : je réponds aux critères de temps de travail facilement, en revanche le montant du salaire moyen et mon indemnisation (dont le calcul se base dessus) seront très faibles. L’idéal est donc de pouvoir cumuler plusieurs fins de contrats pour ouvrir ou recharger ses droits.
Cas n°2 : je travaille à la pige depuis 2010. Mes droits issus d’un CDD antérieur sont épuisés. Je veux recharger mes droits mais je n’ai aucune attestation d’employeur, étant donné que je suis en CDI avec tous mes employeurs.
Précision Pôle emploi : Je ne peux pas recharger mes droits à l’ARE (allocation d’aide au retour à l’emploi). Cependant, Pôle emploi pourra m’ouvrir des droits au titre de l’ASS, allocation de solidarité spécifique ***.
Cas n°3 : Je travaille à la pige, et sur mes bulletins de paie, il est bien écrit « piges » et fait mention de la convention collective journalistes. Mais mon employeur envoie des attestations employeur, en indiquant comme motif : « fin de CDD » dessus.
Précision Pôle emploi : En matière juridique, il n’appartient pas à Pôle emploi de contester une attestation employeur c’est-à-dire de remettre en cause ce que l’employeur mentionne. L’employeur s’engage juridiquement, en toute connaissance du Code du travail, il s’agit ici d’une pièce comptable. Lorsque un employeur délivre une attestation employeur, un flux informatique est envoyé à nos services afin d’enregistrer cette attestation dans le dossier du demandeur d’emploi. En parallèle le Code du travail prévoit que l’employeur a une obligation d’en remettre un exemplaire papier à son ancien salarié afin que celui-ci puisse vérifier les informations transmises aux services de Pôle emploi. L’employeur est en faute s’il mentionne une rupture, exemple fin de contrat de travail, et qu’il n’a pas au préalable établi un contrat de travail. Il appartient alors à son salarié de contester l’existence de cette attestation et du motif porté dessus.
Congés maladie, grossesse, accidents sont-ils retirés de la période prise en compte pour calculer le salaire de référence servant de calcul à mon allocation chômage ?
Oui. Par exemple, j’ai une collaboration qui se termine avec le journal Bidule au bout de 2 ans. Sur cette période j’ai été arrêté(e) 3 mois. Pôle emploi considérera que j’ai travaillé sur une période de 21 mois. Seuls les salaires bruts versés sur ces 21 mois seront pris en compte pour calculer le salaire moyen de référence, et donc mon indemnisation.
Sur l’attestation employeur, l’employeur devra y faire figurer les périodes non travaillées (maladie, grossesse, accidents, etc.). Le pigiste ayant une copie de l’attestation, il faut qu’il vérifie attentivement que l’employeur a bien indiqué ces périodes (de suspension du contrat de travail) ; puis, que Pôle emploi les a a bien été prises en compte.
Attention : en cas de congé parental ou de mi-temps thérapeutique, cette mention ne sera pas présente sur l’attestation employeur, le pigiste devra apporter un justificatif de cette période auprès de son agence Pôle emploi.
Préconisation Profession : Pigiste : pour éviter les erreurs, en cas d’arrêt de travail quel qu’il soit : le pigiste vérifie que tout a bien été pris en compte
Peut-on perdre ses droits cumulés ?
Oui, au bout de cinq ans maximum si je me suis désincrit.e de Pôle emploi.
Concrètement : je gagne bien ma vie, je ne touche plus d’indemnités mais il m’en reste pas mal encore à toucher, pour les coups durs. Si je me désinscris de Pôle emploi (vu que je ne touche rien, ça ne sert rien, pourrait-on se dire), au bout de cinq ans, les droits cumulés seront perdus.
Rappel 1 : on perd ses droits au bout de 3 ans cumulés à la période d’indemnisation qui est de 2 ans maximum (si moins de 53 ans) ou de 3 ans (si plus de 53 ans au début du chômage).
Rappel 2 : chaque fin de CDD (avec attestation employeur) est une nouvelle date à partir de laquelle la période des 3 ans se décale.
Exemple 1 : s’il me reste 2 mois d’indemnisation, je perds mes droits (en me désinscrivant de Pôle emploi) au bout de 38 mois (3 ans + 2 mois)
Préconisation Profession : Pigiste : s’il reste des droits à toucher, mieux vaut rester inscrit(e) et donc s’actualiser chaque mois pour pouvoir toucher ses droits, même dans dix ans.
Y a-t-il une indemnité journalière minimale ?
Non, sauf travail à temps plein : « l’allocation est au minimum de 29,26 € par jour après un emploi à temps plein ». (voir)
L’indemnité correspond à 75% du salaire journalier de référence. Ce salaire est la moyenne des salaires par rapport aux périodes de collaboration. Je peux donc avoir une indemnité journalière de 1 euro.
Carte de presse à Pôle emploi
Pour être considéré comme journaliste professionnel et relever de l’annexe 1 de la convention ou du décret de l’Assurance chômage (dans laquelle la notion de temps de travail n’existe pas), il faudra justifier de la détention de la carte de presse.
Ce critère existe depuis que l’annexe 1 existe. En effet il suffit de lire cette annexe pour avoir la définition du journaliste : « des journalistes et personnels assimilés, titulaires de la carte d’identité professionnelle visée par l’article L. 7111-6 du code du travail et liés par contrat de travail à une ou plusieurs entreprises de presse ». (détails)
Si ce n’est pas le cas, le journaliste relèvera du régime général de la convention, c’est-à-dire du décret de l’assurance chômage avec la notion de temps de travail.
Quelles conséquences ?
Exemple 1 : je n’ai pas la carte de presse.
J’ai des bulletins de paie en pige, convention collective journalistes, sans indication du temps de travail sur le bulletin de paie. Pas de contrat = présomption CDI.
Un jour, alors qu’une collaboration (en pige) s’arrête, je fournis une attestation d’employeur qui indique une collaboration sur 24 mois, pour 5 piges, pour un montant total de 1 500 euros brut. Aucune mention d’un temps de travail.
- Comment Pôle emploi va traiter cette attestation ? La période de travail prise en compte correspond à la durée globale de la collaboration (24 mois), comme pour les journalistes de l’annexe 1.
- Comment mon salaire journalier de référence est-il calculé ? Pôle emploi prend en compte le salaire brut réellement versé et soumis à cotisations. Si l’employeur ne mentionne sur l’attestation employeur aucune indication sur le temps de travail, Pôle emploi prend en l’état l’attestation employeur et ne comptera pas de temps partiel.
Exemple 2 : je n’ai pas la carte de presse et cumule des bulletins de paie en pige (convention collective journalistes) + des CDD (convention collective animation).
Comment Pôle emploi va-t-il traiter mon dossier ? Pôle emploi calculera les droits au chômage uniquement sur les activités perdues (ici les CDD CCN animation). Il sera alors recherché la règle des 130 jours travaillés au cours des 24 derniers mois. L’activité de pigiste en CDI est donc une activité « conservée » : on parle de conservée, car cette activité a été cumulée avec les périodes de CDD. Elle ne sert pas pour le calcul de l’allocation chômage. L’allocation chômage ouverte sur les périodes en CDD viendra donc en cumul de l’activité en CDI conservée.
Question : De nombreux journalistes n’ont pas la carte de presse et sont payés en pige (sans indication de temps de travail). Quelles conséquences ?
Précision Pôle emploi : Pratiquement aucune, tout dépend ce que l’employeur mentionne sur l’attestation employeur. En effet, s’il mentionne une intensité horaire de travail, Pôle emploi en tiendra compte (si pas de carte de presse) dans la gestion du dossier au titre du régime général. Idem pour les salaires car pour l’annexe 1 ce n’est pas le mois travaillé qui est pris en compte mais le mois payé (contrairement au régime général). Du côté du régime général, on retient la date du salaire en rapport avec le mois de travail. Pour les journalistes l’impact est donc minime. Il faut savoir que cette annexe concerne aussi d’autres professions comme les VRP (titulaire aussi d’une carte professionnelle), le personnel naviguant de l’aviation civile, les bucherons-tacherons… qui peuvent avoir un décalage important entre le mois travaillé et la date de paye retenue.
Et si l’employeur ne note pas d’heures travaillées mais que je relève du régime général ? Le calcul de l’affiliation se faisant en jours travaillés, nous ne tenons plus compte des heures, seulement du salaire perçu.
Les fondamentaux
Une fin de contrat de travail, c’est quoi ?
La cour de cassation a fait le point sur le statut de journaliste pigiste, dans une série d’arrêts**** du 31/01/2018 :
- le contrat liant le journaliste à l’entreprise d’édition est présumé être un contrat de travail
- ce contrat de travail est présumé être un CDI, sauf recours à un cas légal de contrat précaire
- l’interruption des commandes, même pendant une longue période, ne met pas fin au contrat de travail
- le contrat n’est pas présumé être à temps plein, sauf preuve que le salarié ne pouvait prévoir son rythme de travail et se tenait en permanence à la disposition de l’employeur
- l’employeur n’est pas tenu de garantir un niveau constant de travail au journaliste pigiste
- le journaliste pigiste a droit aux indemnités prévues par la convention collective des journalistes, mais sur la base des piges effectivement perçues, même si elles ont diminué.
Sources :
Cour de cassation – chambre Sociale – 31 janvier 2018, n°16-19551 (non publié au Bulletin)
Cour de cassation – chambre Sociale – 21 septembre 2017, n°16-16531 (publié au Bulletin)
S’il est écrit sur l’attestation d’employeur :
« Fin de pige », « Fin de collaboration », « Fin de mission », « Autre motif », « Rémunérée à la pige », « Arrêt de pige », « Pigiste payé pour un article », ça ne vaut rien !
Il ne pourra donc pas y avoir étude des droits à l’assurance chômage par Pôle emploi, car le journaliste pigiste n’entre pas dans les dispositions des articles 1 et 2 du chapitre 1 du décret n°2019 -797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage. (détail)
*Selon le décret n°2020-361, paru au J.O. du 29 mars 2020 ; la date initiale était prévue au 1er avril 2020.
*** A condition d’avoir travaillé comme salarié au moins 5 ans au cours des dix dernières années ; ≈ 480 € par mois.
****Un arrêt est une décision de justice définitive, qui a « force de la chose jugée ».
Relais adhérents
Atelier par Livre et Lecture en Bretagne.L'établissement Livre et Lecture en Bretagne propose un...
Télévision :Ouest-France ancre Novo19 dans les territoires
Ouest-France a révélé le nom de sa future chaîne TNT, dont le lancement est prévu le 1er...
L'impact du prix du papier sur la presse en Bretagne
La presse papier n'est pas épargnée par l'inflation depuis plusieurs années. Éclairage de la...
Comprendre
la nouvelle agence France Travail dédiée aux journalistes
Depuis le 6 janvier 2025 les journalistes titulaires de la carte de presse de Bretagne...
Communication territoriale
Que faire après X ?Branle-bas de combat le 20 janvier, jour de l'investiture de Donald Trump à...
Les
Champs libres, un site web révolutionnaire
Avec ses couleurs pastels, il n'est pas simplement plus beau ou plus pratique. Le site...